#3 : Don't lose yourself in your fear



 Day 85 – Aéroport Changi, Singapour, 9h00

Les aéroports et les départs me font toujours pleurer, la seule exception étant survenue il y a 85 jours. La crise de larmes aurait pu être pire, mais il faut aussi prendre en compte le fait que je l’ai plus ou moins « diluée » sur les 5 derniers jours. Je suis à bord de l’avion, avec un mix de sentiments confus : triste de la fin de cette aventure, épuisée par une nuit au sommeil court et entrecoupé, et comme anesthésiée au reste parce que je veux me concentrer sur le récit de la fin de mon séjour plutôt que sur mon cœur brisé.


J’ai aussi une tendre pensée pour les personnes que je m’apprête à rejoindre, qui m’attendent, qui vont m’aider à dépasser cette douleur lancinante. L’idée de les avoir, au bout de ce trajet, est un réconfort réel et précieux.
Sur l’écran de la compagnie aérienne, une jeune femme en sari m’explique en indien comment mettre mon masque à oxygène…

Nous avons donc terminé notre voyage commun par Singapour, ville que Cyril souhaitait voir depuis longtemps. Enfin, ville… C’est à la fois une ville et un état. Un peu comme Monaco, j’imagine.


Dans le bus qui nous y amène, nous regardons la saison 1 de « Black mirror ». La douane a quelque chose d’un peu plus intimidant que les passages de frontière précédents, avec une liste de produits interdits longue et assez drastique (durians, évidemment, mais aussi sucre, farine… ?). A notre arrivée, le repérage est un peu confusant : la ville semble immense, plus grande que les capitales que nous avons déjà visitées, avec un système de transport en commun dense. Le métro rappelle carrément celui de Paris, avec des lignes farfelues qui peuvent suivre deux ou trois itinéraires différents. Le ton est aussi tout de suite donné avec les tarifs : boulangerie, tickets de métro, bouteille d’eau ? en moyenne 4 fois les prix malaisiens. Qui étaient eux-même 2 fois les prix thaïlandais. Nous nous perdons un peu pour trouver notre guesthouse (car oui, les rues à Singapour peuvent faire des virages à 180°). Le quartier se situe entre Chinatown et Little India, avec un panel de restaurants de chaque ethnie et au milieu, un grand centre commercial. De quoi aller de Food Court en fast food en un rien de temps…


Je feuillette notre guide, et nous voilà partis pour le Musée National de Singapour. Nous trainons un peu en route, vu que l’entrée est gratuite à partir de 18h. Le bâtiment en lui-même est très beau, et les salles de visite, petites, sont classées par thème ce qui permet de mieux se repérer. J’ai un faible pour les salles consacrées au cinéma et au théâtre, ainsi qu’une pièce plus petite qui développe l’évolution des liens familiaux dans la région de 1900 à 1960 (notamment le passage à la monogamie).


Nous continuons notre périple vers l’Esplanade des arts, où la vue est apparemment digne d’intérêt et le quartier animé. Le guide n’avait pas menti. Nous arrivons dans un immense centre abritant une galerie marchande, une salle de spectacles, un hall d’entrée qui fait office d’auditorium avec un concert de gospel en cours, et l’esplanade en elle-même qui accueille un festival de musiques religieuses… L’animation a donc de quoi plaire, mais la vue… Je n’ai jamais rien vu de tel. Au-delà de la place où un orchestre indonésien joue avec ferveur, il y a le fleuve, et tout autour, le plus beau paysage urbain qu’il m’ait été donné de voir. Des buildings, des hôtels somptueux, un centre commercial futuriste (oui, il y a beaucoup de centres commerciaux dans le coin)… Sur la rive en face a lieu une sorte de show de lumières sur l’eau. J’en ai les larmes aux yeux, et Cyril à mes côtés semble ravi aussi, mitraillant la scène avec son appareil photo. Nous sommes tous deux d’accord pour une excursion le lendemain au fameux centre en face, qui est aussi selon un agent de sécurité, un hôtel-casino, le Marina Bay…




Nous débutons notre deuxième journée singapourienne par la visite de l’île de Sentosa, totalement au sud de la ville. C’est en fait un complexe d’attractions pour touristes (luge sur herbe, téléphériques, spectacles pour enfants, parc à thèmes, restaurants huppés…) où le décor est totalement artificiel, me rappelant Orlando en moins joli. La chaleur est étouffante et j’insiste pour ne pas m’attarder. C’est l’heure de la pause déjeuner (japonais/coréen partagé dans une food court), puis nous retournons à la guesthouse pour une sieste. Je me réveille pour faire le tri définitif de mon sac (il faut bien faire rentrer les cadeaux) à l’aube de mon départ. Nous devions partir tôt pour notre soirée excursion, mais Cyril rame un peu avec la réservation de son billet d’avion pour rejoindre l’Indonésie lundi.




Le temps d’arriver au Marina Bay, et de s’y promener un peu, les restaurants sont fermés (hormis deux établissements pompeux annonçant des chefs primés et des menus assortis où Cyril propose de m’inviter mais je refuse catégoriquement). Nous continuons donc la balade, serpentant entre les enseignes de luxe. Le centre de la galerie est une sorte de fleuve artificiel (ils proposent même des tours de barque dessus), j’y jette quelques pièces des monnaies que je n’utiliserai plus, en faisant un vœu… Nous dinons dans Little India, de nans au fromage et au mouton.

Nous passons une partie du dimanche, après avoir quitté notre guesthouse et son dortoir bondé, dans le centre commercial le plus proche (il me manque encore un cadeau, que je finis par trouver in extremis). L’ambiance est pour l’instant très tendre, encore légère. Je prépare un pique-nique pour notre dernière soirée ensemble (tomates cerises, brie et chocolats). Nous nous rendons en taxi dans l’hôtel que j’ai réservé pour ce dernier tête à tête. La chambre n’est pas la plus grande que nous ayons eu, mais la plus luxueuse. Les heures qui s’écoulent à partir de là me semblent filer en quelques minutes.

Je me réveille ce matin, pour la dixième fois de la nuit, mais la sonnerie de mon téléphone me confirme que cette fois est la « bonne ». Je ne rendormirais plus dans ses bras… Refermer mon sac, rejoindre le taxi, traverser l’aéroport… Des épreuves, même en m’y étant préparée depuis le début. Il reste une heure avant mon embarquement, nous la passons assis à quelques mètres de la douane, collés l’un à l’autre.


« Je ne t’ai pas trouvé de cadeau, alors je t’ai prévu un talisman. »
Il me tend son pendentif. Pendant une seconde, je présume qu’il n’est pas sérieux. Je sais combien il tient à ce bijou… En pleurs, je lui reconfie le mien. J’y tiens aussi énormément, mais pas autant qu’à l’homme à qui je le remets. Je parviens à esquisser un sourire lorsqu’il ajoute : « Tu me le rendras quand on se retrouvera »… (oui, en plus, il me quote…). La douleur vient de là, de ne pas avoir de date ou de deadline pour ces éventuelles retrouvailles, ne même pas savoir si elles surviendront et quel sera notre état d’esprit dans ce futur encore terriblement flou.
Les minutes s’envolent et ma crise de larmes atteint son paroxysme quand je dois passer la douane. Seule. Je parviens à lâcher sa main, difficilement, et nous nous suivons des yeux à travers la vitre. La sensation de vertige, de douleur, de nausée, me dépasse totalement. J’avance vers le guichet, automatisée, montre mon passeport, avance jusqu’à la bonne porte d’embarquement. Dans 16 heures, je serai en France.

Nous arrivons à l’imparable paragraphe où j’expliquerais que rien de rien, non je ne regrette rien, mais c’est évidemment faux. Je regrette que nos chemins prennent des directions différentes aujourd’hui, tout en sachant au fond de moi que cela est nécessaire, pour lui comme pour moi. Il a des choses à découvrir, et j’ai un rêve à poursuivre. Je ne peux donc plus le poursuivre lui. J’ai bien, endormis en moi, un frémissement, une excitation envers l’aventure qui s’annonce pour moi. Vivre aux Etats-Unis, véritablement un rêve de gamine. Je peux y aller avec l’esprit libre, d’avoir tout fait et tout osé pour Cyril, et je ne peux pas attendre après lui, mais espérer. Les cartes sont entre ses mains à présent.


Je garde en otage son précieux pendentif et les souvenirs merveilleux des 3 mois qui se sont écoulés. Les porter, chacun, comme une force et non comme un fardeau qui m’empêcherait d’avancer. Me concentrer sur les prochains chapitres (y compris ceux du tome 2, qui n’a pas avancé d’un iota).


Merci à tous ceux qui ont suivi ce journal et fait le voyage avec moi. Merci pour vos commentaires, vos conseils, précieux, vos messages et votre amitié.

Rendez-vous dans 6 semaines pour un nouveau rêve à réaliser et de nouvelles pages à écrire.


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