14 octobre, 12h
Journée entretiens. Encore. J’en ai eu un
hier, pour un job de serveuse. Je préfère ne plus me fier à la qualité de mes
entretiens, parce que même quand j’ai l’impression d’avoir bien répondu et que
la personne me lance un chaleureux « je t’appelle en fin de journée »,
il n’y a généralement pas de suite, ou des conditions de salaire inférieures à
la législation australienne (je veux pas faire la fine bouche, mais pourquoi
est-ce que je devrais être payée deux fois moins que le minimum légal, hein ?).
Ma journée se passe à Broadbeach, au
centre commercial Oasis où je dois rencontrer deux recruteurs. J’ai déjà eu une
réunion de présentation ce matin, un des jobs portent sur la vente d’abonnements
à un club de vacances. Cet aprem, c’est pour des opérations de collectes de
charité. On verra bien.
J’essaye juste d’être confiante, et de me
dire que si après tout ça je n’ai pas un taf à la fin de la semaine, c’est le
drame.
Pour l’heure, j’observe avec intérêt les
vitrines de fringues super cool et totalement hors budget (dont il faut dire qu’en
ce moment, le montant est proche de zéro, aussi…). Je déguste mon déjeuner, des
sushis, alors qu’une pianiste live répand dans l’étage les notes de « Only
Hope » de Mandy Moore. C’est beau.
17 octobre, 9h15
Même centre commercial. Je suis d’une
humeur fort approximative, après avoir foiré ce que je considérais comme l’entretien
de la semaine (le septième, d’ailleurs). C’était pour être vendeuse dans la
boutique de vêtements la plus stylée du centre, et j’ai vite compris que c’était
mort. Nous étions 5 à faire la queue pour les entretiens, dont deux
australiennes juste devant moi, vêtues comme des filles de joie. J’ai pensé « quel
manque de professionnalisme de se présenter comme ça à un entretien ! »,
mais la gérante les a gardé dix minutes chacune, alors qu’elle m’a consacré…
oui, environ 50 secondes.
A présent j’ai rendez-vous pour une
réunion d’information et une potentielle formation suite à mon entretien de
mardi (celui de l’après-midi, pour les œuvres de charité). Je ne suis
absolument pas motivée, ni par le projet, ni par les conditions.
J’ai l’impression de ne pas comprendre
comment les choses fonctionnent ici. Les employeurs, les mecs, les gens en
général.
17 octobre, 21h07
Il y a des jours dans la vie où tu te
prends des grosses claques. Parfois négatives, parfois positives. Ce matin,
alors que je rentre dans cette salle de réunion avec autant de motivation qu’un
père de famille va à un concert de Justin Bieber, j’ai un temps d’arrêt. Autour
de la table, que des beaux mecs. Et une seule fille, qui m’adresse un large et
chaleureux sourire. Elle ressemble à Katy Perry.
On s’installe, avec les deux autres
nouvelles recrues qui m’accompagnent. Le discours du chef d’équipe est plus
proche de l’entrainement sportif que du baratin chiant et commercial auquel je
m’attendais. En fait, après une heure, je me sens vraiment stupide de m’être
attendue à quoi que ce soit. Je suis stupéfaite, et complètement reboostée. Ces
gens sont encore plus gentils que beaux, et je n’ai jamais vu un tel esprit d’équipe
de toute ma vie.
Le chef forme les binômes de la journée,
je serai formée par ma nouvelle camarade, le sosie de Katy Perry (et c’est
ainsi qu’elle hérite de ce surnom pour le blog). On a une pause avant de partir
sur le terrain. Katy insiste pour m’offrir un café (inutile que je vous
rappelle le prix du café dans ce pays).
C’est parti pour une longue journée. Le boulot
en lui-même est basique. Quartiers résidentiels, on fait du porte à porte pour
rencontrer les gens, leur expliquer la cause caritative défendue, et on les
invite à souscrire pour une donation mensuelle. Assez compliqué, donc, avec
beaucoup de paramètres : vais-je être convaincante, vais-je gérer les
réponses négatives à répétition, vais-je être à l’aise en abordant des inconnus
chez eux, vais-je avoir un anglais suffisant pour argumenter ?
Pour l’instant, on me demande surtout de
me calmer, d’être positive et observatrice. Katy est une excellente formatrice.
A la fin de la journée, j’ai dépassé le stade de la nervosité, mais je ne
maitrise pas encore le texte de présentation. Tous les membres de l’équipe y
vont de leur petit conseil. Le chef d’équipe me reconduit à deux rues de chez
moi. Et là, posée sur mon canapé, je n’ai qu’une pensée en tête, comment
peut-il y avoir un tel fossé entre mon état d’esprit de ce matin et celui de ce
soir… ? Tout va bien…
19 octobre, 10h04
J’ai eu un coup de cœur pour ce boulot.
Vraiment. Je ne pensais pas.
Pour quelles raisons ? La première,
c’est l’équipe. Il y a d’autres raisons : le fait de voyager tout autour
de Surfers et voir d’autres villes. Les rencontres avec les gens. Le côté très
nouveau de ce job, pour moi. L’évolution énorme que cela peut m’apporter, sur
le plan personnel, si je maitrise un tel job. Le fait de travailler pour une
bonne cause (en l’occurrence, aider des enfants handicapés). Le dynamisme et le
positivisme permanents (et les kilomètres de marche à pied quotidiens).
La journée du samedi est facultative,
mais je voulais absolument perfectionner mon texte de présentation. Après ces
quelques heures en plus, je gère plutôt bien le fond, il me manque la forme. De
la répartie, de la connaissance du sujet, des formulations qui ne me viennent
pas automatiquement en anglais. Je rame, quoi.
Ce matin, lors du petit déj de groupe, le
chef instaure deux équipes et lance le défi : la meilleure équipe remporte
un gros bon d’achat pour des bières. Je regarde mes camarades, convaincue que c’est
une plaisanterie. Apparemment non. Je suis « capitaine » d’équipe,
avec Katy et, appelons-le Mik.
J’aime déjà Mik pour son sens de l’humour, mais
ce matin je vais découvrir qu’il est aussi le meilleur orateur du groupe. Je l’observe
faire ses présentations et je suis bluffée. Au point que je panique un peu,
surtout que je n’ai toujours pas convaincu quiconque d’adhérer au programme de
donation, de mon côté.
Mik : Tu sais lire et écrire ?
Moi : Oui…
Mik : Et tu es née comme ça ?
Non. Laisse-toi le temps d’apprendre. Pas de pression.
S’en suivent tout un tas de petits
conseils. Et de blagues moisies quand il me lance en français « suce ma
bite salope ». Mon équipe n’en perd pas moins très largement le défi du
jour (8 à 2).
Nous rentrons plus tôt, ce soir, parce
que c’est samedi. Le chef a déjà acheté d’énormes packs de bières frais pour l’équipe
gagnante. Stu (qui est accessoirement le frère de Katy) me demande si j’aime la
bière, avant d’ouvrir son propre pack pour m’offrir quelques bouteilles. Je
proteste en vain, il insiste même pour m’en donner davantage.
Voilà comment je suis passée, en quelques
jours, de ma légère appréhension de ne pas avoir de boulot, à la pression moins
légère de me dire que celui que j’ai trouvé, je veux absolument le garder.
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