Day 57 : Orchidee House, terrasse – Siem Reap – 14h47
Le lendemain
de notre journée de farniente, je me suis réveillée passablement patraque, mon
mal de gorge ayant atteint un pic. J’ai quand même envie que nous ne remettions
pas encore d’une journée notre excursion et je suggère, comme indiqué dans
notre guide de voyage, la solution « Angkor by tuk tuk », sachant que
Cyril sera certainement contre. Je dois vraiment avoir l’air diminuée, car il
accepte sans discussion.
Nous en
trouvons un en quelques secondes sur le chemin du petit déjeuner, le chauffeur
affiche une bonne bouille souriante et un air qui inspire confiance, nous
négocions la journée pour 12$ et nous voilà partis.
Les temples
d’Angkor, point culminant du tourisme cambodgien, une des Merveilles du Monde…
Un des
arguments en faveur d’une première ballade sur le site en tuk tuk, c’était
évidemment d’avoir avec nous quelqu’un qui connait bien le lieu, qui sait par
où passer, quoi zapper, aussi je propose à mon compagnon que nous laissions
notre chauffeur nous conduire selon son bon-vouloir. Son itinéraire inclut tout
d’abord le plus célèbre, l’Angkor Wat, surpeuplé malgré l’heure matinale. Je
suis un peu déçue de voir que la façade principale du temple est partiellement
en réfection, recouverte d’une grosse bâche verte. En réalité, je découvrirai
bientôt que tous les temples ici bénéficient de travaux pour les préserver, ce
qui implique des échafaudages, bâches, piliers de maintien, dans chacun…
Nous
zig-zagons entre les coréens et les japonais, traversant un immense jardin pour
atteindre le bâtiment principal. J’essaye de m’adapter au rythme de Cyril, qui
s’arrête toutes les 10 secondes pour faire une photo, comme lui essaye de
s’adapter au mien quand les passages sont un peu moins praticables (ou en
montée). Les étapes suivantes sont le Bayon (le « Temple aux Mille
Visages ») et le Baphon qui débute par une gigantesque allée de pierres entre
deux bassins asséchés. Dans chacun, des détails à admirer : des fresques
murales sculptées dans la pierre, avec des détails inimaginables. Des escaliers
vertigineux pour atteindre la salle de prière. Des représentations de plusieurs
divinités («naga », le serpent à cinq têtes, ou des « linga »,
phallus divin).
Chaque
entrée/sortie autour d’Angkor Wat est marqué par une porte majestueuse,
précédée d’un pont, avec toujours le même motif : des silhouettes portent
à bout de bras un « naga », le corps du serpent représentant la
balustrade du pont. Beaucoup de ces statues n’ont pas de tête, ou alors une
dont les traits ne sont plus du tout visibles. A l’inverse, celles déjà
rénovées affichent une netteté et un travail de sculpture si précis qu’elles
paraissent totalement en décallage…
Nous
négocions notre déjeuner, à la vue des prix scandaleux proposés dans le secteur
(environ 4 à 6 fois les prix en ville). Le repas prend pas mal de temps,
histoire de nous reposer un peu, nous maintenir à l’écart de la chaleur qui est
écrasante, et le temps de faire un long débat au sujet des films d’horreur…
Nous
reprenons la route vers le Ta Keo, célèbre pour avoir servi de décor au
tournage de Tomb Raider.
(« Tiens,
ils font des travaux aussi sur ce temple, ils auraient aussi dû en faire pour
la bouche d’Angelina » - Cyril.)
Je décide
pour une fois d’aller jusqu’au sommet, malgré les escaliers (semblables à des
échelles tant le dénivelé des marches a disparu avec le temps). De la terrasse
la plus haute, on voit les cimes des arbres à perte de vue, sur 360°, et on
sent d’autant plus la sensation de vide et de vertige qu’il n’y a aucune
balustrade. La salle de prière est déserte quand nous y entrons (à l’exception
du garde qui pianote farouchement sur son téléphone portable, qui émet la
musique de « Harry Potter »). J’en profite pour me recueillir un
instant, ayant une pensée pour les personnes qui me manquent…
Nous visitons
encore deux minuscules temples qui se font face, à un croisement de route,
perdus au milieu des bois. Pendant que Cyril explore et photographie, je
discute un peu avec notre chauffeur, en particulier des habitudes alimentaires
des cambodgiens. Pour finir notre tour, le tuk tuk nous conduit à la porte
Ouest d’Angkor Wat, point de départ d’une colline d’où les gens observent la
vue alentour et le début du coucher de soleil (le site ferme avant la fin de
celui-ci). Nous partons après avoir gravi la colline pour éviter la cohue des
milliers de spectateurs stagnant jusqu’à la dernière minute…
Sur le chemin
du retour, l’aventure continue. A l’entrée de Siem Reap, notre tuk tuk percute
un scooter qui, on ne sait pas trop pourquoi, s’était brusquement arrêté au
milieu de la route. Rien de trop brutal, mais il est évident que la passagère
du tuk tuk est blessée. Je suis carrément surprise de voir le conducteur
continuer sa manœuvre, faire demi-tour et s’enfuir sans un mot. C’est alors que
je remarque, à quelques centaines de mètres, une patrouille de deux policiers.
Notre chauffeur va discuter un moment avec eux, et leur tend un billet. Grosse
incompréhension. Trois minutes plus tard, nous sommes arrivés à la guest-house
et j’ose l’interroger : le billet qu’il a donné aux agents était une
« amende » pour ne pas avoir sur lui son gilet officiel de chauffeur…
Pas grand-chose, apparemment, 2000 riels (0,5$). Il explique aussi que si le
scooter s’est arrêté comme ça, au milieu de la route, c’était également à cause
de la présence des policiers, et pour éviter de payer l’amende pour non-port de
casque (2000 riels également)… Je ne peux m’empêcher de me dire que prendre un
tel risque pour ce genre de somme… La collision aurait pu être bien plus
brusque, sachant que nous roulions à environ 20 km/h… De manière générale, la
route semble ici encore moins sûre qu’en Thaïlande.
Pour le
dîner, je propose une mission : Cyril se charge d’aller chercher des plats
à emporter, et je pars à la recherche d’un dessert et de boissons. Cette ville
n’était pas vraiment spécialisée dans la street food, cela complique un peu la
tâche. J’hésite entre deux desserts pour lui (un pain fourré à la banane et une
crêpe banane/chocolat…), je prends finalement les deux, un tiramisu pour moi et
je retourne attendre, ce qui prend du temps… Cyril revient au bout de 40
minutes, avec une barquette de poulet aux noix de cajou et une de poisson
« amok », la spécialité du coin.
Nous avons
beau nous être couchés tôt, le départ du lendemain est laborieux.
Mission : assister au lever du soleil sur Angkor Wat. J’ai convenu de
faire l’effort, pour ce second jour de visite, de faire du vélo. Alors, ça n’a
l’air de rien comme ça, mais si parmi mes lecteurs certains se souviennent de
m’avoir vu un jour sur une bicyclette, ils comprendront de quoi je parle. Quant
aux autres, qu’ils s’estiment heureux.
Nous
recherchons donc, à cinq heures, un moyen de louer un vélo. L’agence en face de
la guest-house ouvre normalement à cette heure-ci, sauf que… nous sommes
dimanche. Cyril propose d’emprunter deux véhicules à la guest-house, de moins
bonne qualité mais nous n’avons pas vraiment d’autre choix… L’avantage de
rouler à cette heure, outre la température encore agréable, c’est qu’il n’y a
pas de circulation (je repense encore à l’incident de la veille). Nous arrivons
peu avant six heures à Angkor Wat et nous nous installons sur le bord du lac,
en face de l’entrée. Le moment serait parfait sans les hordes de coréens qui se
massent autour de nous, prenant des postures ridicules pour faire des photos ou
hurlant dans leurs téléphones…
Nous roulons
tranquillement sur le parcours que nous nous sommes fixés (pour lequel j’ai
vaguement émis l’hypothèse que cela avait l’air long, mais comme nous n’avons
pas l’échelle de notre carte, c’est un peu difficile à déterminer). Nous arrivons
à une entrée de temple, précédé par une allée de statues baignées de
lumière. A cette heure-ci, les rayons du soleil rasent le sol, les sculptures
et les arbres qui les entourent, créant une espèce de brume sur le lieu :
c’est sublime. Le temple en lui-même est assez différent de ceux visités la
veille : il paraît minuscule, parce que bâti en longueur, et pas en
hauteur. Nous constatons rapidement qu’il s’étale loin dans la forêt, et que
l’intérieur est aussi magnifique que l’extérieur. Je suis beaucoup plus touchée
par celui-ci, sans parvenir à analyser complètement pourquoi : peut-être
est-ce sa dimension plus « humaine »… Le fait que, parce qu’il est si
long, on a l’impression que beaucoup plus de parois se sont effondrées… Ou la
consternation de découvrir, bien apparentes, les marques visibles de pillage
dans les fresques murales, où des statues ont été décapitées ou même
complètement arrachées…
Nous
continuons notre promenade en vélo… Il y a un temple en particulier que je
souhaite voir, et qui se trouve à l’autre extrémité de la route que nous
empruntons. A une intersection, nous demandons notre route à un agent. Il nous
indique où nous nous trouvons sur la carte, et là, c’est le drame. Nous ne
sommes pas loin… Nous sommes HYPER loin ! Il est maintenant près de dix
heures, le soleil cogne et le chemin n’est plus du tout ombragé. J’essaye de ne
pas râler, de continuer à pédaler, mais entre la fatigue et la chaleur, l’humeur
ne suit pas, et j’ai une fois de plus cette désagréable sensation de ralentir
mon partenaire. Nous roulons, encore, encore, la sortie me semble hors de
portée… Une heure plus tard, nous y sommes. Encore 5 kilomètres avant notre
point de chute. En guise d’encouragements, Cyril commence à pousser la
chansonnette et interprète les plus grands tubes de son répertoire (« J’aurai
voulu être un artiste », « Come what may », ou encore « Destinée »,
oui, celle de Guy Marchand…).
Après m’être
promis d’éviter le vélo pendant un certain temps, j’insiste pour aller prendre
un burger au resto en face. Plus des nems et un banana split, parce qu’on crève
de faim en fait. Le parcours total effectué ce matin représente en fait 40 km,
m’apprend Google maps. WTF ! De retour dans la chambre, je décide de
regarder les derniers épisodes de « Awake » (quelle fin…).
Nous
inversons nos postes pour la mission « repas du soir » : je
ramène des nouilles sautées, des pâtes carbonara et des nuggets de poulet.
Cyril, pas peu fier, a été à la supérette pour touristes et … m’a ramené de la
crème de marrons.
| crème de marrons et chantilly, dessert à 12$... |
Ce matin,
Cyril retourne aux temples (en vélo, argh) tandis que je me renseigne pour
connaître les options pour quitter la ville. Il rentre en fin de matinée, nous
réservons le bus pour la prochaine étape, pique-niquons dans la chambre avec le
reste de crème de marrons, et du fromage (supérette à touristes again).
Nous partons
demain, vers 5 heures, pour l’est du pays. Une fois de plus, je m’inquiète peut-être
pour rien, mais le guide de voyage stipule qu’il peut être compliqué de trouver
une connexion internet dans certaines villes…
Cette nuit j’ai
rêvé de mon départ en Floride. J’étais seule à l’aéroport, et dans ce rêve, je
n’avais pas pu dire convenablement adieu à mes proches, ni à ma famille, ni à
mes amis. Je me retrouvais sans téléphone, avec une hôtesse de l’air qui m’intimait
de prendre place à bord de l’avion, et ce sentiment de tristesse profond qui me
poussait à vouloir en descendre. Les noms de certaines personnes me venaient à
l’esprit, tout autant que les choses que je n’avais pas eu le temps de leur
dire, des choses qui me paraissait importantes, urgentes… Et il m’apparaissait
qu’il était définitivement trop tard. Que j’avais perdu l’occasion de m’exprimer.
Et que j’avais perdu Cyril, aussi, évidemment.
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