#3 : Arrivée à Bangkok


Day 3 : Terrasse d’un restaurant, Bangkok – 12h01 heure locale

Je n’ai pas pu dormir pendant le trajet. J’ai ajouté quelques lignes au tome 2 et regardé des films d’animation sur l’écran de la compagnie aérienne (ils sont plutôt sympas, « Les mondes de Ralph » et « Hotel Transylvanie »).

Après une escale rapide en Malaysie, j’atterris à Bangkok. Le passage à la douane est un peu long, puis je récupère mon énorme sac à dos. Moment de vérité.

Cyril est là, juste en face de la sortie, tant et si bien que je ne vois que lui, et ça ressemble vraiment à une mauvaise scène d’un mauvais film, musique émouvante en moins. On se retrouve face à face, onze semaines après cette scène bien plus dramatique d’adieu dans un autre aéroport à 14 000 km de là, onze semaines de séparation, de doutes, de recul.

Je suis incapable de dire ce que je ressens exactement. Rassurée de voir qu’il est là. Confortée dans le fait que oui, c’est bizarre. Touchée parce qu’il propose immédiatement de porter mon sac et me présente le petit déj qu’il a apporté. On prend le train jusqu’au centre-ville, on marche pendant une petite heure en se paumant un peu, puis on se décide à prendre un de leurs curieux taxi-moto à trois roues. La stabilité du véhicule égale celle de mon état d’esprit à cet instant, c’est tout dire.
Nous traversons le quartier des touristes jusqu’à la guest house où Cyril a déjà ses affaires. Mama, qui gère le lieu, nous propose ce qu’il reste, à savoir une single room (bah oui, tant qu’à partager une chambre, autant le faire sans king size bed). L’hébergement me charme par son côté dépaysant, sobre mais propre, et en dépit de son absence de wifi … et d’eau chaude.

J’abandonne mon sac à dos, me passe sous l’eau froide avec une réelle gratitude, me change. Il est temps d’aller déjeuner et donner des news de mon arrivée au reste du monde via facebook, depuis un petit établissement de spécialités végétariennes tenu par… un ladyboy, ça y est, on y est.
Il est temps aussi d’avoir cette conversation attendue, préparée, remaniée, avec lui. Puis de connaître sa version des faits. Combler les zones d’ombre et les blancs. Observer son désarroi, qui ne peut pas être feint, face à certains de mes propos. Prendre conscience qu’il me manquait des éléments, des choses positives comme des choses négatives. Essayer, après ces déclarations, de détendre l’atmosphère. Je le regarde sans trop pouvoir expliquer ce que je ressens. Peut-être que le seul sentiment légitime, rationnel et à conserver, c’est cette envie de passer des journées riches et inoubliables ici. Le lieu s’y prête, définitivement.



Nous regagnons la guest house, encore un peu abattus. La conversation se maintient, sur une note plus légère. Je ne savais pas que j’étais capable de faire abstraction de ma jalousie à ce point, d’aborder des questions qui me tracassent depuis des semaines, sans arrières pensées. Je me plais à croire que c’est un bon point, un signe que je suis capable d’évoluer. Nous restons là, et ne réalisons que le temps a passé, qu’en constatant finalement que la nuit est tombée.

Je découvre une seconde fois le quartier, de nuit. C’est beau, apaisant. Les vendeurs abordent sans insistance, la température est idéale, les gens souriant, et on a l’embarras du choix pour la nourriture. Mon choix se porte vers un restaurant de taille imposante, avec une terrasse en hauteur et des lampions un peu partout. Nos mains se retrouvent comme si c’était la chose la plus naturelle au monde. Dans ma tête, je refuse de répondre à certaines questions, sur ce que je ressens, ou si ses doigts caressent les miens par habitude, par envie ou par dépit. Facebook says « It’s complicated ».

Nous profitons encore un peu de la soirée en prenant une glace (à base de coco, lait concentré et cacahuètes) sur le chemin, puis un verre dans un bar où nous croisons deux français qui dégustent sans sourciller des scorpions grillés. Ouch. Sur le chemin du retour, je ne me lasse pas des lumières, des odeurs tardives de nourriture. La ruelle où se trouve la guest house semble soudainement bien silencieuse et coupée du monde.

Première nuit, avec une température odieusement élevée. Encore épuisée, je reste dormir quelques heures après le départ de Cyril, qui suit une formation de massage de 9h à 16h jusqu’à demain. Je me motive à affronter seule les rues de Bangkok, après avoir changé de place nos sacs (Mama nous a trouvé une chambre plus spacieuse… qui a dit que c’était « roots »… !)
Les rues se ressemblent toutes, et je marche en essayant de trouver des points de repères pour ne pas me paumer. Je trouve un restaurant proposant wifi, english breakfast et moultes ventilateurs. Je donne quelques news via facebook, découvre les photos prises par Cat lors de ma soirée de départ, émue.

Edit : Apple guest house, chambre 3 – 14h22

Je n’ai pas pu finir mon récit ce matin, interrompue par une coupure de batterie. J’ai fini mon petit déj, et flané un peu dans les rues. En plus de la bouffe pas chère, il y a foison de fringues cheap et sympas. De quoi refaire la garde-robe que j’ai eu tant de mal à écouler ces derniers mois. Si seulement mon sac à dos n’était pas déjà plein à craquer… !
La vraie difficulté, dans cette ville, je m’en rends compte à présent, c’est de traverser la route. Pas de feux, pas de passage piéton, la jungle.

Je rejoins la guest house, chope au passage une bouteille de soda « rootbeer flavor ». C’est l’heure de mettre à l’épreuve mes facultés de sociabilisation (dont le niveau est quasi nul, comme beaucoup d’entre vous le savent). Un groupe de (charmants) jeunes hommes est en pleine conversation devant la porte, mais il y a aussi une jeune fille, toute seule, qui sirote un coca à l’ombre d’un parasol. Je me joins à elle, une anglaise de 26 ans qui a décidé de venir visiter l’Asie après un licenciement économique.
Rassurée sur ma capacité à aborder des inconnus, je me retire pour un peu de repos. J’en profite pour revoir une dernière fois le texte de « I’m a liar » et avancer un peu le tome 2. Dehors tombe la première averse à laquelle j’assiste, et ça ne tombe pas à moitié. La chaleur est toujours là, lourde, mais désirable après le froid parisien… 

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