Day 26 : Bus station de Surat Thani, 8h42
Si vous vous
demandez encore si nous avons aimé le film sur Sharkboy et Lavagirl, alors
rassurez-vous : c’était un merveilleux moment de cinéma, plein d’action,
d’émotion et de… Oui, d’effets spéciaux archi-nases. Idéal pour se marrer sur
la route. Qui soit dit en passant, s’est déroulé dans le pire bus que nous
ayons eu depuis le début du périple, et il est amusant de notifier que c’était
aussi le plus cher (l’effet sud continue, semble t’il, encore plus quand il y a
une île à rejoindre ou à quitter).
Avant le
film, Cyril s’est assoupi. Je l’ai tenu dans mes bras, essayant d’atténuer les
secousses de la route, le regardant dormir et me sentant aussi creepy qu'Edward Cullen. Nous arrivons à la gare de Punh Pinh, à 15 bornes de
Surat Thani. Youpi. Fort heureusement, il y a un des hôtels conseillés dans
notre guide de fauchés, nous prenons une chambre, puis nous nous hâtons de
trouver un bus pour le centre-ville. Ledit bus, lui, ne se hâte pas.
Attente : 30 minutes. Trajet : 45 minutes. A première vue le
centre-ville est désert. Nous nous renseignons sur les hébergements disponibles
en vue d’un prochain déménagement en zone civilisée, mais surtout pour le
visa-run que je dois effectuer pour bénéficier de 15 jours en plus sur le
territoire.
D’où notre
éveil matinal en ce jour, à six heures. Cyril m’accompagne, ce qui nous permet
de régler simultanément la question de l’hôtel. Je suis dans un bus en direction
de Ranong, à la frontière de la Birmanie. Seule. Je me trompe peut-être mais
cette opération visa-run me semble complexe. Je suis pourtant bizarrement
soulagée de laisser un peu d’air à mon compagnon de route pour la journée.
Comme si le fait de s’éloigner quelques heures pouvaient lui permettre de faire
le point, de ressentir le manque… Et ce qui est vraiment stupide, c’est que je
sais que ça a peu de chance d’être le cas.
Edit :
Minibus qui roule quelque part entre Ranong et Surat Thani, 18h22
Visa-run. Le
« run » est vraiment là pour quelque chose. Je viens de vivre une
journée bien remplie, atypique et stressante à souhait. Règle n°1 des
transports en Thaïlande : ne jamais croire la durée annoncée du trajet.
Une fois n’est pas coutume, mais ce matin, mon arrivée prétendue à midi, a eu
lieu à 14h bien passées.
Ce qui m’a
laissé le temps de faire connaissance avec Ivan, le seul occidental présent à
bord, pour le même motif que moi. Serbe, suédois d’adoption, 32 ans, bronzage
impeccable, sourire charmeur et longues boucles brunes. Je suis assez
stupéfaite, en faisant le bilan de ma journée, d’imaginer avec horreur ce
qu’elle aurait été sans Ivan.
Le bus nous
dépose au milieu de l’aire d’autoroute la plus délabrée et paumée du pays. Je
suis mon Serbe avec une aveugle confiance, parce que vu le bordel ambiant, je
n’ai pas le choix. Trop de monde en attente pour un taxi, je le vois avec
inquiétude négocier avec un mototaxi qui me tend un casque, tout sourire. Je
regarde longuement ledit casque (je crois que celui que j’avais pour le rafting
était plus sécurisé), la moto où il entend nous faire monter à deux, et Ivan,
serein, qui m’indique de ne pas hésiter à le tenir si j’ai peur. J’ai à ce
moment une pensée émue pour un autre motard, Nico… Je monte, le trajet n’est
pas si terrible, car court. Etape suivante, nous passons un premier contrôle
pour signifier notre sortie du territoire. Ivan prend à nouveau les choses en
main, négocie un prix pour nous deux pour la traversée en barque jusqu’en
Birmanie. De là, nous passerons quatre bureaux différents, sur des postes
situés sur pilotis à plusieurs endroits du bras de mer sur lequel nous voguons.
Ce moment du
voyage est particulièrement agréable, car nous nous trouvons une passion
commune pour la musique. Le paysage est bluffant, nous regrettons beaucoup de
ne pas avoir d’appareil photo à disposition. Sur la côte birmane, une fois de
plus, mon gentleman serbe prend les choses en main. Je le vois glisser un gros
billet dans la main d’un autochtone qui nous escorte jusqu’aux services de
douane, nous fait passer en priorité devant une longue file de personnes, et
nous raccompagne au bateau après coup, armé de deux sodas frais. Ivan refuse
que je lui rembourse la boisson…
Le timing est
très serré. Le dernier bus pour Surat Thani n’est déjà plus une option, mais il
y a un minibus qui quitte la ville à 17h. Nous repassons une seconde fois les
quatre postes de contrôle, puis le service de douanes thaïlandais. Tout va
bien, je suis autorisée à prolonger mon séjour sur leur sol jusqu’au 8 mars… La
course continue, retour à la station de bus en rush total, nous atteignons le
van à … 16h56 !
Je fais mes
comptes de la journée, mesurant les économies que j’ai faite grâce à mon ami
serbe, je réalise par la même occasion que je lui dois même de l’argent vu
qu’il a fait l’avance pour la mototaxi de ce matin, et pour mes frais d’entrée
en Birmanie (10$). Je paye nos deux tickets pour Surat Thani. Nous reprenons la
conversation sur la musique (il m’interprète brièvement un couplet dans sa
langue natale, je lui rends la pareille). Il semble ravi de la confiance que je
lui ai accordée aujourd’hui, alors que je bave littéralement de gratitude,
déplorant de n’avoir à disposition qu’un rouleau de Mentos aux fruits… Je note
l’adresse où il réside à Koh Panghan et son invitation à venir y rencontrer sa
petite fille et sa compagne, avec Cyril.
Je roule donc
actuellement (et chaotiquement) pour rentrer retrouver Cyril. Ecrire ici tient
du miracle, le chauffeur s’imagine apparemment sur un circuit de formule 1. Mon
embarras vient, en direct, de monter d’un cran, Ivan m’ayant rapporté à manger
à l’instant…
Encore un
moment où je me sens reconnaissante, faisant le bilan des personnes qui
m’entourent. Ce mec évidemment, que je ne connais que depuis quelques heures,
mais qui est attentionné et amical comme si nous avions gardé les buffles
ensemble, sans aucune arrière-pensée qui plus est… Et une fois de plus, les
êtres chers que j’ai laissés derrière moi : il y a vraiment un peu de vous
tous dans chacune de mes journées. Je ne le dis pas assez, soit parce que je
m’attarde sur le factuel, soit parce que je me disperse dans mes élucubrations
sentimentales. Mais j’y pense, en quasi-permanence, parce qu’il y a partout des
détails qui m’évoquent l’un ou l’autre de mes amis. Ce voyage ne répond pas à
toutes mes questions, mais il apporte des réponses que je n’attendais pas.
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