17 janvier, 16h53
Nous sommes partis vers 18h, avec Elisa,
et quatre autres volontaires au style hippie bien affirmé : Haymich,
Amelie, Philip et Sam. Au pied de la montagne, il y a un parking, vide à cette
heure tardive. Le Mont Warning nous surplombe. Non, ce n’est pas une blague,
c’est son vrai nom. Raison de plus pour mettre en doute mes capacités sportives
et respiratoires pour cette ascension. Cela dit, c’est trop tard pour reculer.
Tout le monde est prêt, Elisa promet de s’adapter à mon rythme, et Amelie nous
rappelle qu’il s’agit d’une terre sacrée pour les aborigènes, nous sommes donc
priés de respecter la nature et le plus grand silence.
Oui, pas de souci, sauf que les quatre
hippies nous dépassent après dix minutes et que du coup, je bavarde tout le
long du chemin avec ma camarade germanique. La première demie heure est un
supplice. C’est une montagne, donc, oui, ça monte, sec même, et j’ai la
respiration d’un taureau entrain de charger. Un peu plus tard, sans que je
sache trop pourquoi, je finis par trouver mon rythme, l’ascension est moins
pénible et je ne demande plus de pause toutes les dix minutes. On fait même une
bonne heure de marche sans que je me plaigne, admirant la vue qui s’embellit de
mètres en mètres. Lorsqu’on dépasse les nuages, à deux tiers de notre parcours,
c’est une véritable récompense. J’ai du mal à me dire que nous sommes déjà si
haut…
Sauf que, en étant plus lentes que nos
comparses, nous atteignons le « pied du sommet » au coucher du
soleil. La vue est toujours absolument renversante, mais le hic, c’est que nous
allons devoir escalader la dernière partie, des rochers escarpés avec pour
seule « aide » une chaîne métallique au sol, je vois ma dernière
heure arrivée. C’est une partie vraiment physique, et je fais appel à tous mes
souvenirs d’escalade pour placer mes appuis et ne pas tomber au pied de la côte
abrupte dans une mort certaine et douloureuse. Et nocturne, qui plus est, je ne
vois rien, ce qui m’empêche probablement de voir les araignées géantes qui
habitent le coin. Un fait rassurant, et ma foi touchant, c’est que Haymich, le
grimpeur le plus expérimenté du groupe, est redescendu pour s’assurer que nous
allions bien. Je l’admire d’autant plus que tout mon être me hurle de ne jamais
retenter cette montée de toute mon existence.
Je termine l’ascension avec Elisa, qui
éclaire les rochers avec sa lampe de poche. Nous avons mis deux heures trente
pour le parcours, ce qui n’est pas si mal. Je m’avance dans la pénombre, me
frayant un chemin entre les arbustes. Le sommet est constitué d’un promontoire,
qui s’avance dans le vide là où se lèvera le soleil demain matin, et d’une
place circulaire, minuscule, avec une partie terre battue et un peu d’herbe.
Sur le sol terreux, nos quatre amis ont formé un cercle avec des bougies et de
l’encens pour méditer. Je les entends à peine me souhaiter la bienvenue et me
congratuler de ma réussite. J’ai les larmes aux yeux, un sentiment profond
d’accomplissement, un trop-plein suite à toutes les pensées que j’ai remué dans
ma tête pendant l’effort, et surtout, au-dessus de ma tête, l’immensité, un
ciel noir et tapissé de plus d’étoiles que je n’en ai jamais vu. Je me joins au
cercle, émue. Amelie découpe une pomme que nous partageons, Philip une orange,
Sam prépare un wrap bio à base de miel et de graines énergisantes. Je fais
tourner mon paquet de fraises tagada, sachant que ça n’est pas
« vegan » ni bio, mais c’est tout ce que j’ai pour ce rituel de
partage.
Nous parlons de tout, de l’espace, de
religion, de la société, et enfin de comment nous allons installer notre
campement nocturne. Nous avons quatre tapis de sol pour six. Et on se les gèle.
Ce qui fait plein de raisons de se serrer. Ca paraît naturel et même
nécessaire. Ca aussi, c’est difficile à expliquer, mais je me sens en totale
harmonie avec ces 5 personnes, autant Elisa que je connais depuis deux mois,
que Philip à qui je n’avais jamais adressé la parole trois heures avant. Nous
collons les matelas les uns aux autres dans les herbes, à l’endroit où nous
trouvons le moins de rochers, et nous allongeons face au ciel. C’est le plus
beau toit qu’il m’ait été donné d’avoir. A présent que même les bougies sont
éteintes, c’est encore plus beau. Nous chuchotons, laissant le volume sonore
monter lorsque nous apercevons une étoile filante furtive. Je me souviens avoir
pensé à faire un vœu, mais aucun ne m’est venu, parce que j’étais déjà si
heureuse, si comblée par le moment. Chacun entonne une berceuse dans sa langue
natale (nous avons une large majorité d’allemands, ce soir).
Je n’ai pas de sac de couchage à
proprement parler, seulement mon drap en soie thermique (qui ajoute 5°, merci
Décathlon). Il fait terriblement froid, à présent. Je suis coincée entre Elisa
et Haymich, qui essayent tant bien que mal de me maintenir au chaud. La nuit
n’est pas exactement agréable, entre la température et les bruits tout autour,
mais l’expérience vaut d’être vécue.
A cinq heures, Paris s’éveille et nous
aussi. Nous nous regroupons sur le promontoire, où les marcheurs matinaux
commencent aussi à se rassembler. Je suis vraiment heureuse d’avoir effectué
l’escalade la veille pour profiter pleinement du spectacle. C’est que, ça prend
du temps, pour se lever, le soleil. Une heure plus tard, le coin de ciel orangé
que nous scrutions depuis tout ce temps, prend des teintes rose fluo. Le soleil
apparaît entre deux océans, le Pacifique dans le lointain, et les nuages
vaporeux qui font des montagnes alentour de petits ilots gris et verts.
Notre petit groupe prend la pose sur le
promontoire, avant de refaire les sacs et entamer la descente. Vertigineuse. Je
suis contente de ne pas avoir eu de lumière hier, mais pour l’heure, j’essaye
de ne pas glisser. La pente est vraiment abrupte, et avec toujours ce même
câble métallique pour toute corde de rappel. J’arrive à la fin de cette
première étape, les jambes en coton. Et il y a encore tout le reste de la
montagne à descendre. C’est long. Et il fait chaud.
Des milliers d’heures plus tard, nous
parvenons à la voiture. Sam et Amelie effectuent le même rituel de méditation
et de partage de fruits. De notre côté, Elisa et moi projetons une journée bien
remplie. Nous repassons brièvement par le centre Krishna puis prenons la route
en direction de Byron Bay.
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